L’hiver touchant à sa fin, il est temps de répondre à une question que beaucoup d’amateurs de ski freeride se posent : pourquoi est-il interdit de pratiquer l’héliski en France ?
Il est effectivement tentant pour tout freerider de vouloir reproduire en réel ce que beaucoup de professionnels réalisent dans des clips vidéos, à savoir se faire déposer par un hélico au sommet d’une face blanche, avant de descendre dans la vallée skis aux pieds loin du tumulte des stations.
Sauf que le rêve est loin d’être si simple à réaliser, tout du moins dans l’hexagone. Vous pourrez sans problèmes tenter l’aventure dans certaines vallées italiennes, espagnoles ou suisses. En revanche en France, c’est interdit.
On rappelle la règle…
Pour ce qui concerne la législation relative aux activités aériennes, la première étape consiste à jeter un coup d’oeil au Code des Transports et au Code de l’Aviation Civile, pour sa partie qui n’a pas été abrogée.
L’article D132-6 du Code de l’Aviation Civile nous apprend ainsi qu’en dehors des aérodromes, un hélicoptère ne peut atterrir ou décoller que depuis une hélisurface.

En théorie, une dépose en hélico au sommet d’une montagne devrait déjà respecter cet article puisque réglementairement toute opération de débarquement ou d’embarquement de personnes, de marchandises ou de matériel même sans contact de l’hélico avec le sol est considérée comme un atterrissage/décollage.
L’arrêté qui fixe les détails concernant l’hélisurface a été pris en 1995.
Outre le fait que l’utilisateur doit obtenir l’autorisation du propriétaire du terrain, de nombreuses contraintes techniques et administratives viennent s’ajouter à la demande d’autorisation d’exploitation d’une hélisurface. Par exemple le nombre limité d’atterrissage par an, ou l’expérience du pilote.
Mais ce n’est pas tout. L’article 19 de cet arrêté précise que les créations d’hélisurfaces en zone de montagne doivent se conformer aux dispositions de la loi du 9 janvier 1985, en particulier son article 76.

La loi de 1985, c’est ce que l’on appelle également la « loi Montagne », qui définit un certain nombre de pratiques dans les zones de montagne, parmi lesquelles l’utilisation des aéronefs.
Certains articles de la loi montagne ont été récemment abrogés pour être inclus dans le Code de l’Environnement. C’est le cas de l’article 76 qui n’existe plus, mais qui a été retranscrit dans ce Code, sous le nom d’Article L363-1.

Les zones de montagnes sont définies dans l’article 3 de la loi Montagne, que voici :
La liste des communes classées en zone montagne est publiée par arrêté ministériel, mais pour simplifier, disons que toutes les communes où il est possible de faire du ski sont classées en zone de montagne.
Le code de l’environnement est donc clair : en zone de montagne, il est interdit de déposer des passagers à des fins de loisir en dehors des aérodromes prévus à cet effet. Cela exclut donc la pratique de l’héliski…pour les amateurs ! Car en ce qui concerne cette pratique pour les professionnels, la règle est plus floue.
En effet, peut-on considérer qu’une activité de loisir est assimilable à une pratique à des fins professionnelles ? Par exemple le tournage d’une publicité, ou le tournage d’un film, avec des skieurs professionnels entre t’il dans ce cadre ? Peut-on parler de loisir ?
Aucun texte français n’est plus précis sur ce point. En revanche, il existe un autre texte intéressant, qui ne concerne que le massif des Alpes, à savoir la Convention Alpine.
Cette convention, ratifiée par les pays de l’arc alpin, notamment l’Autriche, la France, la Suisse et l’Italie, et entrée en vigueur en 1995, a pour but de définir les principes fondamentaux des activités au sein du massif alpin. Les pays signataires s’engagent à prendre les mesures législatives pour respecter les principes de la convention.
Et justement, dans les protocoles annexés à cette convention il est question de la pratique de l’héliski. Voici les deux articles concernés :


Ces articles semblent plus contraignants que la réglementation française en la matière, puisqu’il est question de pratique « sportive » et non pas de « loisir », ce qui englobe la pratique amateur et la pratique professionnelle. A l’heure actuelle ces dispositions n’ont pas été retranscrites en droit français, mais cela pourrait bien être le cas dans les prochaines années.
Giscard : oups, la boulette
Il est impossible de parler de la réglementation relative à l’héliski sans évoquer les origines cocasses de l’interdiction de cette pratique.
En 1977, sous l’impulsion de VGE, alors président de la République et grand amateur de montagne, parait un décret relatif à la protection et à l’aménagement de la montagne. Ce décret prévoit entre autre la fin de l’autorisation de l’héliski sous trois ans, soit une fin programmée de la pratique en 1980.
Les amateurs de dépose en hélico espèrent encore faire infléchir les autorités pour conserver la possibilité de poursuivre cette pratique.
Or, en avril 1979, Giscard himself, grand amateur de ski, se fait prendre en flagrant délit de dépose illégale en hélico (parait-il de la Gendarmerie) sur un sommet de la région de Chamonix (le Buet) par le président du Club Alpin local. La polémique qui suivra donnera raison aux détracteurs de l’héliski, puisque la loi Montagne de 1985 confirmera l’interdiction drastique de cette pratique.
La loi française prévoit-elle une sanction en cas de dépose illicite? Il est rare mais ça arrive que le législateur oublie de sanctionner une interdiction, et j’ai l’impression que c’est le cas car je n’ai trouvé aucune sanction.
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Pour contourner la loi, y’a pas mal de « récupération » en fond de vallée par les hélicos … Et des déposes dans les pays frontaliers (Italie principalement).
Bref, mettez une loi, elle sera contournée 😉
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